L’escalade des tensions : l’incident de l’avion de reconnaissance révèle la fragilité des relations
Le 31 mars, le Mali a annoncé qu’un drone de reconnaissance à lui avait été abattu près de la frontière avec l’Algérie, accusant son voisin de “méfait délibéré”. La réaction algérienne ne s’est pas fait attendre : le ministère de la Défense a affirmé que l’appareil avait “violé l’espace aérien de manière illégale”, justifiant ainsi l’intervention militaire immédiate.
Bien que l’incident semble technique en apparence, il a déclenché une crise diplomatique profonde, mettant en lumière des années de tensions latentes et de rivalités géopolitiques.
Origines de la crise : des divergences anciennes sous une couverture diplomatique
Les relations entre l’Algérie et le Mali ont été traditionnellement “amicales” en raison de leur proximité géographique et des liens historiques, mais ces relations ont toujours été marquées par une certaine méfiance sous-jacente.
L’Algérie a toujours considéré la région du Sahel comme faisant partie de sa sphère d’influence, tandis que le Mali, avec ses longues frontières ouvertes, occupe une position stratégique délicate. Au cours des dernières décennies, l’Algérie a joué un rôle de médiateur dans les crises touareg du nord du Mali, tout en cherchant à maintenir une influence là-bas à travers des accords de paix et la facilitation de négociations entre les groupes armés et le gouvernement malien.
Cependant, certains cercles au Mali estiment que l’Algérie n’a pas toujours joué un rôle de “médiateur impartial”, mais plutôt celui d’une puissance régionale cherchant à maintenir le Mali sous son influence sans lui offrir une autonomie complète dans ses décisions sécuritaires.
Transformations régionales… et l’émergence d’un nouveau bloc
Depuis le coup d’État de 2021 au Mali et l’ascension d’un gouvernement de transition soutenu par l’armée, Bamako s’est de plus en plus orienté vers un nouveau bloc comprenant la Russie, le Burkina Faso et le Niger — des pays qui partagent une opposition croissante au rôle traditionnel de l’influence occidentale dans la région.
Dans ce contexte, le rôle traditionnel de l’Algérie en tant que médiateur a diminué, et la confiance du Mali dans le processus politique soutenu par l’extérieur a également baissé. L’augmentation de l’influence russe, notamment à travers le groupe Wagner, a renforcé le sentiment algérien que sa sécurité frontalière pourrait être menacée par la présence d’acteurs extérieurs non fiables à quelques kilomètres de ses frontières.
L’incident de l’avion : l’étincelle qui a enflammé la crise
L’incident de l’avion est survenu à un moment sensible, alors que l’Algérie avait récemment accueilli une délégation de groupes armés ayant signé l’accord de paix d’Alger en 2015. Bamako a interprété cette initiative comme une ingérence directe dans ses affaires internes, considérant cela comme une tentative de déstabiliser son autorité sur le nord du pays.
Suite à l’incident de l’avion, le Mali n’a pas seulement intensifié sa réaction médiatique, mais a également rappelé ses ambassadeurs d’Algérie en concertation avec ses alliés : le Burkina Faso et le Niger, marquant implicitement la fin d’une phase de relations équilibrées dans la région.
Où va la crise ?
Bien que les deux parties soient conscientes qu’un conflit ouvert ne serait pas dans leur intérêt, surtout face à la montée de plusieurs fronts de sécurité dans la région, le maintien des soupçons et des rivalités d’intérêts pourrait rendre cette crise le point de départ d’une redéfinition du rapport de force dans le Sahel.
Le questionnement demeure :
Le Mali et l’Algérie parviendront-elles à dépasser leur histoire conflictuelle pour instaurer une véritable confiance, ou la région se dirige-t-elle vers une nouvelle dynamique d’alignements qui changera les règles du jeu ?
