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OPINION

Date de l’élection présidentielle au Sénégal : l’heure du choix

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Par Dr Moubarack LO

Le dialogue national convoqué par le Président Macky Sall, autour des questions relatives à l’organisation de l’élection présidentielle de 2024 au Sénégal, a vécu. 

En l’absence de 17 candidats retenus par le Conseil Constitutionnel sur 19, les participants ont notamment formulé les suggestions ci-après : (i) fixation de la date du scrutin présidentiel au 2 juin 2024 ; (ii) réintégration de certains candidats recalés par le Conseil Constitutionnel dans la liste des candidats à l’élection présidentielle ; (iii) prorogation du mandat du Président Macky Sall jusqu’à la fin du processus électoral et le passage du témoin à son successeur élu dès le premier tour (donc en mi-juin 2024) ou éventuellement au second tour (en début juillet 2024).

Le Président de la République avait indiqué qu’il prendrait à l’issue du dialogue un nouveau décret convoquant les électeurs et qu’il s’appuierait sur les conclusions du Dialogue en cas de consensus sur les propositions retenues. A défaut de consensus, il s’adresserait au Conseil Constitutionnel pour lui demander d’indiquer la voie à suivre.

Etant donné que le Dialogue s’est conclu, selon l’opinion officielle, par un consensus, le Chef de l’Etat pourrait choisir de valider telles quelles les recommandations des participants, d’en informer le Conseil Constitutionnel et de publier les actes réglementaires qui relèvent de lui (décret de convocation des électeurs et décret de fixation de la date de l’élection présidentielle).

Cependant, plusieurs difficultés se heurtent à l’acceptation par le Conseil Constitutionnel de l’agenda ainsi proposé par les participants au Dialogue et qui serait éventuellement validé par le Président Macky Sall.

D’abord, comment convaincre que cet agenda procède d’un consensus si l’écrasante majorité des candidats retenus a refusé de se joindre au dialogue ? L’argument consensuel ne pourrait donc pas prospérer pour justifier une révision des règles du jeu en plein milieu du processus électoral, comme l’exige la CEDEAO. Le seul élément qui intéresserait le Conseil Constitutionnel serait donc la position du Président de la République qui lui serait transmise par voie épistolaire.

Ensuite, la date du 2 juin 2024 ne respecte pas la décision 1/c/2024 du Conseil Constitutionnel, en date du 15 février 2024. Au Considérant 14, le Conseil Constitutionnel a clairement indiqué que : « la date de l’élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat ». Par conséquent, aucune date, éventuellement retenue par les Autorités compétentes dans l’organisation élections, qui enjamberait le 2 avril 2024, ne respecterait cette disposition contraignante, et tout texte réglementaire pris à cet effet pourrait être rejeté par le Conseil Constitutionnel. La seule possibilité qui semble s’offrir au Président de la République serait donc d’éviter de prendre de nouveaux textes réglementaires relatifs à l’élection présidentielle et de se borner à informer le Conseil Constitutionnel des positions des différents acteurs (les candidats qui ont refusé de joindre le Dialogue d’une part, les participants au Dialogue de l’autre), de proposer une démarche et de laisser le Conseil Constitutionnel arbitrer sur les dates à retenir pour la tenue de l’élection. Cette voie s’imposerait d’autant plus que les Autorités compétentes ne maîtrisent plus le calendrier depuis le 3 mars 2024, car ayant franchi la limite maximale de 30 jours francs (avant la fin du mandat présidentiel) retenue dans la Constitution pour tenir le premier tour du scrutin. Toute initiative prise à leur niveausortirait du cadre strict du droit, tel qu’organisé par la Constitution (article 31 alinéa 1). En plus du respect des dispositions constitutionnelles, l’avantage de confier au Conseil Constitutionnel la fixation de la date du scrutin réside dans le fait que le Conseil peut, en raison des retards constatés et considérant des circonstances exceptionnelles, d’autorité, enjamber la date du 2 avril 2024 et retenir un calendrier dans la période qui lui paraît la plus raisonnable, dans le respect de la Constitution.

Par ailleurs, la suggestion des participants au Dialogue national de rouvrir le processus de sélection des candidats est en contradiction avec les décisions du Conseil Constitutionnel dressant la liste des candidats retenus, et toute tentative de réouverture du processus pourrait engendrer une cacophonie (tous les candidats recalés pouvant exiger d’être requalifiés) et fragiliserait pour l’avenir le Conseil Constitutionnel dont les décisions sont, selon la Constitution, définitives et s’imposent à tous. La seule possibilité de reprendre les opérations de sélection des candidats découlerait d’une éventuelle démission du Président de la République avant le terme de son mandat.

Enfin, la proposition des participants au Dialogue national de proroger le mandat présidentiel au-delà du 2 avril 2024 n’est pas en phase avec la décision 1/c/2024 du Conseil Constitutionnel, en date du 15 février. Au même Considérant 14, le Conseil Constitutionnel a rappelé que « la durée du mandat du Président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques, quel que soit l’objectif poursuivi ; le mandat du président de la République ne peut être prorogé en vertu des dispositions de l‘article 103 précité. Pour cette raison, il y a peu de chances que le Conseil Constitutionnel, consulté par le Chef de l’Etat, revienne sur ce Considérant 14, sauf à évoquer lui-même des circonstances exceptionnelles et de hauts impératifs nationaux. A défaut, il lui faudra interpréter l’esprit de la Constitution et retenir un dispositif de gestion de la transition conforme aux principes généraux qui irriguent la Constitution.

Que retenir de tout cela ?

1. En l’état actuel des choses, seul le Conseil Constitutionnel est en mesure de prendre des décisions inattaquables concernant la fixation de la date de l’élection présidentielle.

2. La réouverture du processus de sélection des candidats est non seulement contraire aux dispositions constitutionnelles mais elle s’avérerait très vite contre-productive.

3. Le Président de la République gagnerait à se borner uniquement à transmettre un avis au Conseil Constitutionnel et à se conformer aux décisions que celui-ci sera amené à prendre.

4. Toutes les parties prenantes au scrutin présidentiel (candidats retenus, candidats recalés, acteurs de la société) devraient s’aligner sur la voie tracée par le Conseil Constitutionnel.

C’est le seul moyen de consolider notre Etat de droit et la solidité de nos institutions.

Dr Moubarack LO est Docteur en Management et ingénieur statisticien-économiste sénégalais. Il est actuellement maire de la commune de Niomré (nord) au Sénégal et directeur général du Bureau de prospective économique dans les services du Premier ministre du Sénégal.

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