Abdoullaye Adoum
Une pratique ancestrale menacée par les amusements qu’offrent les téléphones
portables.
«Dalley », «yaré », «gouzzi » ou « sidjé » sont les diverses appellations données au jeu traditionnel le plus populaire au Tchad. A la différence du damier, la surface du jeu « sidjé » est constituée de 30 trous, dont cinq alignements en vertical et six en horizontal. Mais ses fans et amateurs, dont la plupart sont à l’automne de la vie, estiment que les téléphones portables qui offrent un divertissement d’un nouveau type, constituent une menace pour ce jeu ancestral.
Peu importe l’environnement, propre ou insalubre, l’essentiel pour les joueurs est de trouver un endroit sableux où ils peuvent facilement creuser des trous, pour dessiner leur tableau de jeu. «Les joueurs disposent chacun de douze pions», explique Hamid Youssouf, un sexagénaire et joueur avéré. Cet ancien militaire à la retraite est considéré par ses pairs comme le plus sage
du quartier Goudji, sis au 10e arrondissement de la capitale. Les pions utilisés par les joueurs sont en réalité de vieilles tapettes découpées en morceau prenant la forme d’un carré.
Les joueurs ou encore les adversaires, se mettent en duo et posent tour à tour un pion jusqu’à l’épuisement. Il y a deux manières de procéder au jeu. « D’emblée, les points sont notés après l’alignement successif des trois pions », poursuit Hamid.
Le sidjé est un des jeux populaires les plus anciens au Tchad. Nul n’est en mesure d’indiquer sa date de naissance, moins encore la date de son entrée dans le pays. Mais, certains s’accordent sur le fait qu’il est fréquemment pratiqué dans les régions les plus désertiques.
Prisé par les adultes, ce jeu reste jusqu’à présent le jeu favori des militaires, généralement d’un âge très poussé.
Pendant le jeu, les insultes fusent de partout. Les joueurs se titillent en échangeant de l’opprobre. Cela fait partie intégrante du jeu, dit-on. « Pour provoquer son adversaire, on l’insulte. Et s’il n’arrive pas à relever le défi, on continue davantage. Mais, dès lors qu’il arrive à prendre le dessus, il rendra la monnaie », lance un joueur .
Passionnés, commerçants, fonctionnaires, retraités, sans emplois ne se lassent guère du jeu. Ils s’y livrent à cœur joie du lundi jusqu’à dimanche, du matin au soir. Ces fans craignent, toutefois, la disparition de ce jeu, menacé par les amusements qu’offrent les appareils
téléphoniques. « Après nous, ce jeu risque de disparaitre au détriment des jeux ludiques disponibles dans les
téléphones portables», affirme désespérément le sage Hamid.